Dans un article précédent, je vous ai évoqué les notions de solitude et d’isolement social. Il est évident que les consignes de confinement impliquent une distanciation sociale qui se traduit déjà par l’isolement d’un certain nombre d’entre nous. Mais en tant que psychologue, je ne peux que souligner cet autre risque que représente l’isolement social et le sentiment de solitude. Pour tout vous dire, j’ai bien peur que nous en subissions les conséquences et que nous ayons à faire face à une épidémie de solitude. Alors, pour vous aider à affronter tout cela, je souhaitais revenir sur quelques notions, mais pas seulement ! Je vous donnerai également quelques clés pour mieux vivre la situation.
C’est quoi l’inconscient collectif ?
Pour bien comprendre les difficultés que nous pouvons ressentir face à la solitude, il est intéressant de revenir sur la notion d’inconscient collectif. Je vous disais dans l’article de la semaine dernière que dans le règne animal, l’isolement était associé à la mort.
En 1972, le psychologue canadien, Endel Tulving, distingue :
- la mémoire épisodique : c’est celle qui concerne notre expérience propre, les événements de vie, le contexte et les ressentis qui y sont liés ;
- La mémoire sémantique : elle est plutôt comme une base de donnée dans laquelle nous enregistrons tous nos savoirs partagés par une culture donnée.
C’est le langage, l’utilisation des objets, tous les savoirs transmis, enseignés, partagés, qui constitue une sorte de savoir collectif. Cette mémoire collective à enregistrer que, par exemple, l’éléphant s’isole pour mourir. Chez le lion, les rares individus solitaires sont blessés ou malades. Il en va de même chez de nombreux mammifères. Ce savoir collectif inconscient participe à une perception négative de la solitude.
Je vous entends déjà me dire : “mais pourquoi me dit-elle tout ça ?” Car tout comme les animaux, l’être humain a appris que sa survie dépend de la protection de ses congénères. Depuis la préhistoire, l’homme se regroupe pour faire face aux prédateurs, à la famine. Nous avons donc appris à nous méfier de la solitude.
Solitude et dépression | Mieux comprendre
Bien entendu, nous savons que les personnes souffrant de solitude sont susceptibles d’être plus exposés à la dépression. D’ailleurs, plusieurs études montrent que les individus souffrant du sentiment de solitude voient leurs fonctions cognitives diminuées. Ils peuvent également développer une fragilité physique similaire aux personnes atteintes d’obésité ou de tabagisme.
Mais sachez que cette solitude s’avère néfaste seulement lorsque l’on ne la vit pas bien. C’est pourquoi, il est important de faire la différence entre ce sentiment de solitude et la taille du réseau social. On peut tout à fait se sentir seul en étant très entouré ou à l’inverse, ne pas souffrir de solitude sans savoir beaucoup d’amis.
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Solitude et sentiment d’exclusion
Revenons maintenant sur le sentiment d’exclusion qui est intimement lié à celui de solitude.
Aujourd’hui, nous pouvons nous alarmer de l’isolement de nos aînés. Certes, ce n’est pas une nouveauté et ce n’est, en aucun cas, réservé qu’aux plus âgés, mais tout de même… La ligne d’écoute “SOS AMITIÉ” à été créé en 1960 pour lutter contre la solitude dans le but de prévenir le suicide. Selon son rapport de 2019, 40 % des personnes les contactant le font en évoquant la solitude. D’ailleurs, celles et ceux ayant plus de 65 ans ne représentent que 18 % des appelants chez “SOS AMITIÉ” (sur un total de plus de 629 000 appels). En fait, les tranches d’âge concernées par ces appels sont, en premier lieu, les 45-64 ans, et en second lieu, les moins de 25 ans.
D’après l’enquête de “l’association Astrée” réalisée dans de nombreux collèges, 83 % des collégiens assimilent la solitude à un sentiment d’exclusion. Vous allez peut-être vous dire que ces jeunes qui se sentent exclus, le sont parce qu’ils sont victimes du web et des réseaux sociaux. Je vous laisse lire la suite avant d’en décider.
La technologie nous isole-t-elle vraiment ?
En fait, Internet est comme une multitude de fenêtres ouvertes sur le monde, sur l’extérieur. Grâce à cela, nous nous informons, nous jouons, nous faisons des connaissances, nous échangeons, nous créons des liens, etc. Je dirais qu’aujourd’hui, dans cette situation totalement contre nature de confinement et d’isolement, c’est ce qui peut nous permettre de ne pas perdre la tête.
Nous avons l’habitude de percevoir la technologie comme quelque chose qui “isole”. Certains n’hésitent pas à dire que passer trop de temps sur les réseaux sociaux serait au détriment d’un « vrai partage avec de vrais gens ». Mais d’après une recherche récente de l’université de Harvard, aux Etats-Unis, ce qui serait important n’est pas le temps qu’on y passe, mais plutôt, la manière dont on utilise ces réseaux sociaux. Cela veut dire que nous pouvons utiliser ces nouvelles technologies à partir du moment où notre utilisation « est fondée sur des connexions humaines et qu’elles sont porteuses de sens ».
La communication en vidéo représente ce qui se rapproche le plus d’une interaction en face-à-face. En effet, les informations non-verbales sont importantes dans la compréhension des messages. Alors, pourquoi ne pas organiser une réunion lecture, musique, un visio-apéro ou même faire de nouvelles rencontres ?
Ce qu’il y a de bien avec les réseaux sociaux, c’est que quel que soit le sujet qui vous intéresse, il y aura toujours une communauté qui ne demande qu’à échanger. Vous pouvez certainement trouver des personnes qui ont le même centre d’intérêt que vous. C’est peut-être le moment de faire connaissance, puisque finalement, tout le monde est dans le même bain. Mais vous pourriez aussi bien choisir de renouer avec une personne que vous avez perdu de vue depuis longtemps.
Les êtres humains sont des explorateurs
D’autre part, les êtres humains sont des explorateurs. Depuis la nuit des temps, nous nous sommes disséminés sur toute la planète. Nous avons besoin de bouger. Des études sur les rats et sur les humains montrent que l’exploration de notre environnement provoque un flux de dopamine dans le cerveau (hormone en lien avec le circuit de la récompense). C’est ce qui nous a permis de découvrir de nouvelles sources de nourriture, d’eau et de nouveaux territoires. Bref, bouger et explorer fait partie de notre humanité. Confinés, nous sommes en souffrance, ce qui peut amener à une importante frustration, voire à une certaine agressivité. D’ailleurs, j’ai pu lire dernièrement que les violences conjugales avaient augmenté de 30 % en une semaine, rendez-vous compte !
Que faire lorsqu’on ne peut pas bouger et sortir ?
Fort heureusement, notre besoin d’exploration est aussi mental. Nous pouvons explorer et voyager par la pensée.
Stephen Hawking est le plus grand des confinés. Astrophysicien et paralysé durant les deux tiers de sa vie, il a pourtant réussi a exploré l’univers au-delà de ce qu’aucun être humain ne verra jamais. J’aime trouver l’inspiration chez des personnes qui se dépassent.
Alors, vous aussi, vous pouvez utiliser votre pensée pour :
- écrire ce qui vous traverse l’esprit dans un journal ;
- vous projeter dans le futur ;
- écouter de la musique ;
- vous évader, etc.
Vous l’aurez compris : utilisez donc votre esprit pour explorer le monde, l’histoire, etc. Bien sûr, cela n’exclut pas de bouger physiquement avec une séance de sport guidée devant votre ordinateur ou télévision, ou même de vous promener (en respectant les consignes, avec toujours, l’attestation en poche).
Personnellement, j’avais tendance à me plaindre du manque de temps avant le confinement, pas vous ? Étant moi-même confinée, je profite de ce temps que j’ai pour lire, écrire, m’évader, m’informer, échanger, partager… et ne rien faire aussi. 🙂
Exercice d’évasion pour se libérer de la solitude
Pour conclure, je vous propose un petit exercice d’évasion :
- fermez les yeux et focalisez votre attention sur votre respiration. Soyez juste concentrer sur votre souffle. Inspirez, puis expirez lentement, très lentement. Si votre esprit s’évade, revenez doucement à votre souffle pendant quelques instants, 1 ou 2 minutes ;
- Maintenant, imaginez vous dans quelques semaines, lorsque vous pourrez de nouveau reprendre le cours de votre vie. Pensez à toutes les choses que vous allez pouvoir faire, peut-être des choses importantes mais dont vous n’aviez pas conscience avant. Cela peut être le plaisir de se promener et d’admirer les fleurs dans un endroit que vous aimez. Bref, projetez vous dans l’avenir, rêvez, voyagez dans un endroit où vous aimeriez être, etc ;
- Puis, demandez-vous ce que cette expérience vous a appris de positif ? Quelle leçon pouvez-vous en tirer ? Peut-être simplement prendre conscience à quel point les choses les plus simples sont importantes, peut-être la possibilité d’apprécier toutes les choses que la vie vous accorde comme le plaisir de bouger, de respirer, d’entendre, de ressentir, par exemple.
À vos claviers : j’espère sincèrement que ces quelques lignes vous ont été utiles. Et vous, où en êtes-vous ? Comment vous sentez-vous en cette période difficile ? Ressentez-vous réellement un sentiment de solitude ? Appelez-vous vos proches pour vous sentir moins seul ? Les soutenez-vous ? Venez partager tout cela dans les commentaires ci-dessous. Je vous répondrai avec grand plaisir. Et si vous n’aviez pas encore lu la partie 1 de cet article, je vous invite à cliquer juste ici.